article écrit en collaboration avec Alexandra Berry
Après avoir analysé la partie chimique du houblon, vous avez maintenant les clés en main pour choisir vos variétés pour un blend efficace et aromatique.
Quelques règles à retenir:
- Le blend rajoute de la complexité :
Pas seulement en termes de saveurs ! Associer différentes variétés de houblons permet des jeux de textures, d’amertume et de nuances que vous n’obtiendrez pas forcément avec un single hop. En jouant avec les combinaisons, les possibilités de rondeur et de goût son infinies !
- Ce n’est pas aussi simple que de rajouter une pointe de sel ou de poivre…
En effet, lors de votre rajout houblonné, vous aurez en tête un résultat aromatique approximatif. Or, comme nous l’avons vu, certains houblons se modifient complètement lors de l’isomérisation et peuvent réagir chimiquement au contact d’autres variétés ! En effet, si vous prenez un houblon chargé en myrcène en l’associant avec un autre en pensant obtenir un goût de résine, vous pourrez être déçu.e. Ce myrcène pourra être complètement caché lors du processus de brassage et dominé par un autre « residual » beaucoup plus puissant. Le brassage c’est de la science certes, mais c’est aussi beaucoup de tests et de dégustations pour obtenir le résultat voulu.
- Attention à ne pas trop en faire
Si vous chargez votre bière avec un surplus de variétés différentes, c’est un peu comme colorier le même espace avec plein de couleurs : vous obtiendrez une sorte de gadoue marron. Prenez le temps de bien sélectionner 2 ou 3 variétés au début pour tester les combinaisons et sublimer les particularités de chaque.
- Tout est une question de temps
Tout comme la cuisine, le moment choisi pour rajouter son houblon aura un impact énorme sur le produit fini. Si vous souhaitez un accord de contraste ou de complémentarité, il sera peut-être judicieux d’ajouter le houblon que vous souhaitez dominant en arômes en fin d’ébullition. Pour un accord de sublimation, vous pourrez faire un blend de houblons avant de brasser et de rajouter les deux variétés ensemble à divers moments du processus de brassage.
2. Choisir son effet
Comme pour la cuisine, il faut imaginer les blends comme des accords. Vous aurez ainsi 3 possibilités d’effet d’accord : sublimation, contraste ou complémentarité.
Pour sublimer, ou dans ce cas amplifier, vous choisirez un houblon connu pour une particularité (Citra pour son profil tropical) est un houblon qui interagit bien avec cette particularité. Vous pouvez alors choisir un autre houblon reconnu pour ses notes tropicales pour rajouter de la densité (Mosaic, Calypso, Nectaron ou Polaris très porté sur l’ananas) ou au contraire un houblon peut-être plus subtil qui viendrait en renfort (Loral, Cashmere…).
Pour l’accord de contraste, comme en cuisine, pensez aux saveurs qui sont très différentes mais se complètent parfaitement. Dans la bière, un très bon exemple serait l’orange avec la résine dans une West Coast IPA. Une association de Simcoe avec du Mandarina Bavaria ou encore du Altus permettra de souligner des notes de marmelade en longueur.
L’accord de complémentarité dans la cuisine est traduit dans le brassage par l’accord d’addition, en complétant un arôme par un autre pour se rapprocher le plus possible du goût que l’on recherche. Par exemple, si vous cherchez un arôme de mangue, vous pourrez choisir des houblons aux notes tropicales qui s’en rapprochent le plus possible comme de la papaye, de la pêche ou de l’ananas. Un mélange de plusieurs houblons pourra tendre sur ces notes de mangue grasse (vous pouvez associer de l’Amarillo avec de l’Ariana ou du Rakau.)
En mélangeant des notes de fraises et de cranberries, on peut à l’aveugle trouver de la rhubarbe. Cet accord est évidemment très subjectif et dépendra beaucoup plus de l’expérience personnelle du consommateur ?
Comment choisir ses houblons pour obtenir des arômes fruités
Avant les années 1970 et la naissance du Cascade et du Centennial, la bière n’était pas un produit connu pour ses arômes fruités. La majorité des bières houblonnées comportaient des houblons nobles tels que le Hallertau, Tettnanger et Saaz aux notes plutôt élégantes, herbacées, florales ou encore épicées. Les houblons anglais avaient des profils également plutôt herbacés et boisés.
Pour généraliser, les variétés Européennes comportent davantage d’humulène, un arôme boisé qui survit mal à l’ébullition. Les houblons américains quant à eux possèdent beaucoup plus de myrcène, qui se tranforme pendant sa chauffe en linalool, nerol, geraniol, limonene… Ceux-ci sont plus solubles et plus faciles à extraire dans le produit fini. Les variétés américaines se sont ainsi différenciées par leur explosion d’arômes tropicaux et leurs compositions d’huiles très élevées.
Avec toutes les nouvelles variétés de houblons que l’on retrouve annuellement, les possibilités d’associations et de pairings de houblons deviennent infinies !
Reproduire des notes d’agrumes dans sa bière
Ainsi, un houblon avec beaucoup de myrcène se traduira en des arômes d’agrumes dans vos bières.
Quelques exemples de houblons que vous pouvez utiliser pour retrouver ces arômes :
- Orange : Mosaic, Amarillo, Centennial
- Ecorce d’orange : Bravo
- Pamplemousse : Simcoe, Amarillo
- Citron : Lemondrop, Citra, Centennial, Sultana
- Citron Vert : Motueka
On voit que l’Amarillo et le Centennial reviennent plusieurs fois. En effet, ces deux variétés possèdent un fort taux de myrcène.
Créer des arômes de fruits tropicaux
Pour ce qui est de retrouver des arômes de fruits tropicaux, cela peut s’avérer un peu plus complexe. En effet, les molécules sulfuriques conférant ces arômes (des thiols et thioesters) sont très facilement perceptibles au nez et au goût bien qu’ils ne représentent que jusque 1% des huiles du houblon. Ainsi, il est difficile de s’appuyer sur les composés chimiques de ces molécules pour prévoir les arômes de la bière finie comme on peut le faire avec le taux d’alpha acide.
Bien qu’en quantité minimes, ces molécules ont un énorme impact sur notre perception aromatique du brassin. Ils peuvent très rapidement transmettre de fortes notes de fruits de la passion, de mangue ou de sauvignon blanc.
Voici les houblons et associations préconisés pour retrouver des arômes juteux et tropicaux :
- Mangue : Simcoe, Rakau & Citra
- Fruit de la Passion : Strata & Moutere
- Ananas : Sultana, Azzaca & Ariana
- Noix de coco : Sabro
Le Citra peut être utilisé comme un exhausteur de goût – surtout pour retrouver des notes tropicales. De même, pour retrouver de la rondeur fruitée ou rehausser des touches de coco, le Cashmere se prête très bien à l’exercice.
Bien que les notes de Citrus et d’agrumes soient les plus distinctes sur les analyses, ce ne sont pas forcément les plus notables au goût. Les molécules sulfuriques les réhaussent au devant de la scène et il faut bien le garder en tête lors de votre sélection de houblons.
Donner la gourmandise des fruits rouges et fruits à noyaux
Certaines variétés ont la particularité de pouvoir reproduire les notes sucrées à la fois d’une fraise ou d’une pêche. On peut également retrouver des arômes très subtils de melon ou de pomme soulignant des notes tropicales.
Pour avoir de l’aromatique fruitée plus subtile et complexe, voici les combinaisons à tester :
- Pêche : El Dorado & Azacca
- Fraise : Huell Melon, Strata ou encore du Belma
- Myrtille : Eureka ou Pacific Gem
- Cassis : Pacific Gem & Bramling Cross
La difficulté avec certains arômes de fruits rouges est que pour certains, ils peuvent être trop présents, ou rappeler des défauts. L’arôme de cassis par exemple peut également se rapprocher de l’ammoniaque. Par ailleurs, les notes subtiles de fruits jaunes peuvent être complétement éclipsées par les notes de fruits exotiques ou d’agrumes.
Une fois de plus, on voit que le Citrus est plus présent potentiellement dans ces houblons. Il faut donc bien réfléchir aux associations réalisées pour souligner certains arômes. L’Idaho 7 a un beau potentiel pour créer des bières rondes, juteuses et fruitées. Il peut être utilisé à chaud ou à froid pour venir exhauster un goût que vous recherchez – que ce soit de pêche, de mangue ou de cassis.
Des exhausteurs de goût
Certaines variétés de houblons – telles que l’Idaho 7 – sont utiles pour souligner et faire ressortir le houblon avec lequel il est associé. Un peu comme un chœur derrière un soliste, il permettra de rajouter de la texture et de la nuance, tout en soulignant l’arôme phare de son partenaire.
Nous avons déjà cité le Cashmere, mais le Loral est également un excellent partenaire pour souligner des arômes herbacés et floraux.
Pour conclure
Lorsque vous choisissez vos houblons pour votre prochain brassin, plusieurs facteurs sont donc à prendre en compte. Le taux et le détail des composants chimiques et des survivables des variétés de houblons vous permettra de prévoir à quel moment utiliser chaque variété et comment les combiner afin d’extraire le plus d’alpha et d’aromatique de chaque. Ensuite, les composants auront des notes aromatiques plus marquées selon les variétés, à vous d’imaginer quelles associations sont possibles pour créer une explosion de saveurs ou un cocktail subtil dans vos verres.
Et comme souvent, l’équilibre est la clé !
Bien sûr, n’hésitez pas à tester des bières (avec modération) présentant des associations nouvelles afin de vous faire votre idée.
Sources :
http://scottjanish.com/survivables-unpacking-hot-side-hop-flavor/
https://brewhq.com.au/blogs/beer-resources/hop-flavour-guide
https://beerandbrewing.com/hops-blending-and-pairing/
https://beerandbrewing.com/firestone-walkers-matt-brynildson-blends-hops-for-higher-impact/
https://beerandbrewing.com/hops-oils–aroma-uncharted-waters/